Bien qu’il partage avec le berger de l’Atlas le titre de « race nationale canine » le sloughi est en voie de disparition dans son propre pays.
Il est difficile de citer des chiffres fiables, mais il est clair pour tous les amateurs de cette race, que ses effectifs sont en érosion constante. Les rassemblements officiels aux fins d’identification, de vaccination et parfois de prélèvements sanguins pour analyses génétiques, peuvent être considérés comme un échantillonnage. Le nombre et surtout la qualité des individus présentés à ces rassemblements ont baissé de manière dramatique sur les dernières décennies.
Plusieurs facteurs sont en cause : les sécheresses récurrentes, la diminution des surfaces pastorales, mais surtout, l’interdiction de chasser avec un sloughi.
Pendant les années 70 et 80, ces facteurs ont mené le sloughi si près de l’extinction que de nouvelles générations de chasseurs ont cru bon d’importer des lévriers européens : le Greyhound parfois, et plus fréquemment du Galgo, lui-même très métissé de Greyhound. Dans de nombreux cas, les populations résiduelles de sloughis, amoindries par la consanguinité ou les mélanges avec des chiens »tout-venant » ont été croisées avec des Galgos. Aujourd’hui, il est difficile dans les zones du Gharb, de Taounate, du Saîs ou de Chamaia, de trouver un lévrier qui ne soit pas un métis avec 25 à 75% de Galgo et plus encore.
Le Sloughi aurait pu se convertir en animal de compagnie, à l’instar du Cocker, du Briard, du Colley ou de nombreux terriers britanniques. Cela n’a pas été le cas. On peut le regretter, ou au contraire s’en réjouir, en considérant que les races européennes citées plus haut ont été dévoyées par la perte de leur fonction. On dit que la « fonction crée l’organe », on pourrait ajouter qu’elle l’entretient. De même qu’elle crée et entretient les races. Le sloughi a été créé par et pour la chasse. Elle a été le banc d’essai impitoyable, avec le concours de juges tels que les lièvres, gazelles, chacals ou antilopes… et les critères esthétiques étaient souvent secondaires quoique non négligeables.
En vertu d’une législation imposée sous le protectorat, mais qui lui a survécu et survit encore, la chasse au sloughi était un délit de braconnage, puni par la loi.
La chasse au lévrier a été interdite en France en 1844. La vitesse du lévrier en faisait une arme meurtrière, comparé aux chiens courants de type Saint Hubert ou Ariégeois. Une paire de lévriers pouvait être aussi efficace qu’une meute de plusieurs dizaines de chiens courants et son coût d’entretien la rendait beaucoup plus accessible, et c’est probablement la raison de cette interdiction.
Dans les premières années de la colonisation, les moussem où se rassemblaient des foules de chasseurs avec leurs sloughis servaient de couverture à l’entretien d’un esprit de résistance. Ce serait, paraît-il, une des raisons de l’interdiction de la chasse au sloughi par la puissance occupante.
Malheureusement, la fin du protectorat n’a pas entrainé la réhabilitation de la chasse traditionnelle. Chasser avec un sloughi est resté un délit. La simple détention d’un sloughi pose problème car le berger ou le paysan, aux champs ou aux pâturages, pourrait être pris pour un braconnier et sanctionné. Les propriétaires répondent négativement quand on leur demande s’ils possèdent un sloughi, craignant d’être face à un agent de l’autorité et de s’exposer à une amende, ou à la mise en fourrière du lévrier.
La raison de cette interdiction est-elle la préservation du gibier ? Cela reviendrait à dire que les propriétaires de fusils ont le monopole du respect de la loi et des bonnes pratiques cynégétiques, et qu’à l’opposé, les chasseurs au sloughi ont le monopole du braconnage et du pillage de la faune. En fait, les choses ne sont pas aussi tranchées. On peut chasser au sloughi dans le respect du gibier et des équilibres naturels, comme on peut massacrer le gibier à poil et à plume avec un fusil (et des phares de voiture ou un simple projecteur). Un tel amalgame : sloughi = braconnage équivaudrait à un délit de faciès.
En réalité la chasse au sloughi existe et a toujours existé. Elle est autant une passion et une tradition qu’un marqueur de propriété d’un groupe de chasseurs par rapport à leur terroir.
Plutôt qu’une interdiction totale qui pousse les chasseurs à des pratiques illégales, pourquoi ne pas légaliser la chasse au sloughi, en s’inspirant du code de chasse au fusil ? On pourrait aussi étudier la gestion de la chasse au lévrier dans les états du Golfe ou certaines régions des Etats-Unis. Des amodiations dédiées à la chasse au sloughi pourraient être créées et les sloughis dument identifiés, pucés, vaccinés, auraient droit à une saison de chasse et à un certain nombre de pièces moyennant le paiement d’un droit raisonnable.
Un autre aspect à ne pas négliger est la chasse touristique. La chasse au sloughi et la fauconnerie sont susceptibles d’attirer des amateurs européens ou moyen-orientaux, créant une activité dans des zones désertiques ou sub désertiques de notre pays. Le festival de Douz, en Tunisie, dit « festival du désert » est un modèle à suivre. A côté de nombreux festivals et moussem régionaux, de la cerise à la rose, en passant par l’olive, la pomme et la Tbourida, n’y a-t-il pas une place pour le sloughi au Maroc ?
Au-delà des discours convenus sur « le sloughi, patrimoine national etc. », il faut regarder la situation telle qu’elle se présente : Le sloughi au Maroc est en voie de disparition et d’abâtardissement.
Chasser ou disparaître sont les seuls choix qui lui soient offerts. !